Près de 40 ans après la fin de la guerre d'Algérie, dans un jardin ouvrier du Nord de la France à Tourcoing, Français et Algériens cultivent leur bout de terre. Ces hommes ont été les appelés, les militants du F.L.N ou les "harkis" d'une guerre coloniale menée par la république française.
Près de 40 ans après la fin de la guerre d'Algérie, dans un jardin ouvrier du Nord de la France à Tourcoing, Français et Algériens cultivent leur bout de terre. Ces hommes ont été les appelés, les militants du F.L.N ou les "harkis" d'une guerre coloniale menée par la république française.
Ce jardin est donc le lieu d'une mémoire multiple où se retrouvent des hommes qui auraient pu se rencontrer à la guerre ou à l'usine. C'est la culture d'un potager, activité universelle s'il en est, qui les rassemble ici.
Contemporains à distance d'une histoire commune, parfois indifférents voir hostiles les uns aux autres pour des motifs culturels, sociaux ou politiques, ils travaillent côte à côte le même morceau de terrain.
C'est toute l'histoire, complexe et douloureuse, de la relation entre deux pays indissolublement liés qui surgit de ces témoignages recueillis par Leïla Habchi et Benoît Prin.
Le documentaire met subtilement au jour la mémoire meurtrie et l’avenir parfois oblitéré.
Les jardiniers de la rue des Martyrs prend le temps qu'il faut à la mémoire pour exhumer ses zones les plus sombres. (…) un documentaire lucide et captivant.
Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, les souvenirs sont toujours à fleur de peau... Du 10 au 19 février, la chaîne européenne ARTE propose une programmation spéciale sur l'Algérie, dans le cadre de "Djazaïr, une année de l'Algérie en France". Entre autres documentaires à voir cette semaine-là, on remarque un reportage intitulé Les jardiniers de la rue des martyrs, qui sera diffusé ce lundi10 février à 22 h 35. Dans un jardin ouvrier de Tourcoing, des retraités français et algériens cultivent côte à côte leur petit lopin de terre. De près ou de loin, tous ont vécu la guerre d'Algérie. Ils avaient une vingtaine d'années à l'époque, ils ont la soixantaine aujourd'hui. Les Français étaient des appelés du contingent, les Algériens des militants du FLN (qui luttaient pour l'indépendance) ou bien des Harkis (ces Algériens qui se sont battus aux côtés des Français). Debout sous le soleil du Nord, au milieu de leurs pommes de terre et de leurs carottes, ou l'arrosoir en main autour du point d'eau communautaire, ils n'en finissent pas de refaire l'Histoire, de justifier leurs choix, de se souvenir et de se réconcilier. Enfin presque : Ils sont à la fois humbles et fiers, la parole émerge par bribes, pleine de bon sens mais aussi de non-dit, de douleur et de nostalgie. Ce documentaire d'une heure et demie, poignant, tourné en 2002, est l'œuvre de Leïla Habchi et Benoît Prin.
Un lopin de terre. L'un de ces jardins ouvriers comme il en existe partout en France. Ici, c'est à Tourcoing, rue des Martyrs, entre des HLM et une route nationaIe. Amar, Bachir, Mohamed et les autres y cultivent tomates, piments, courgettes... Ils binent, sarclent, arrosent et se vannent : "Vous n'êtes pas dégourdis à Constantine !" Avec humour et dérision, ils, racontent la misère, l'odeur des figues mûres au bled et, surtout, l'exil. Les "sacs d'argent" qu'ils pensaient remplir en une année. Leurs enfants sont venus, ils sont restés. A deux pas, d'autres jardiniers, des retraités français à l'accent ch'ti si prononcé qu'on leur amis des sous-titres. Roger, responsable de l'ouverture des vannes pour l'arrosage, raconte que l'eau cristallise ici les tensions. C'est une "obsession" pour les Arabes, estiment les Français, "ils n'en ont jamais assez". Comme si l'eau symbolisait le pain que ces étrangers viennent manger, mais, devant la caméra, on reste très courtois. "Quand on était avec la France, on était des gens bien, commente l'un des Algériens, le jour où elle nous a amenés ici, elle nous a laissé tomber." Tous n'étaient pas du même bord pendant la guerre d'Algérie. Certains ont porté des valises pour le FLN. D'autres, harkis, ont combattu, dans le camp français. Des deux côtés, ils disent "la contrainte et la peur". "Vous discutez de la guerre avec eux (les Algériens, ndIr) ?", interroge la réalisatrice, Leïla Habchi. "Non, j'aime mieux pas, explique un ex-appelé français. J'ai trop vu d'atrocités (...) j'aime mieux pas parler de ça, ça finirait mal." Dans ce jardin communautaire, on cultive la même terre mais sans se mélanger plus que ça : "Quand il y a des Arabes, on les met plus par là, pour qu'ils soient ensemble."
C'est toute l'histoire, complexe et douloureuse, de la relation entre deux pays indissolublement liés qui surgit de ces témoignages recueillis par Leïla Habchi et Benoît Prin.
Ils s'activent autour des carottes, des courgettes, se connaissant tous. Dans ce jardin ouvrier près de Tourcoing, la caméra suit des Algériens qui vivent en France depuis une trentaine d'années, quelquefois plus. Ceux qu'on appelle les harkis. Les "Français" aussi ont leur lopin à cultiver, mais un peu plus loin, pour les laisser tranquilles, ensemble. Ils racontent leur arrivée en France, leur vaine tentative pour exister dans ce pays pour lequel ils se sont battus, où ils pensaient ne rester que six mois, "le temps de remplir le sac d'argent". Ils n'ont jamais trouvé cet eldorado tant espéré, ni connu la "France, terre d'accueil". L'indifférence des Français pour leur situation n'a éveillé qu'amertume et résignation. Rejetés ici et là-bas. Parce qu'ils ont dû s'engager, contre leur pays, dans l'armée française qui les menaçait de mort ; parce qu'ils ont dû quitter l'Algérie après l'indépendance, sous peine de représailles. Ils ne sont pas français, ils ne sont plus algériens : "J'ai essayé une fois de retourner en Algérie, raconte l'un d'eux, Ils ne m'ont pas laissé passer. "Tu as été contre ton pays", m'ont-ils dit. Comment veux-tu qu'on te laisse entrer ?" Un voisin français raconte son expérience de la guerre d'Algérie, la peur d'être égorgé et l'horreur des villages massacrés par l'armée. Mais, entre eux, les Jardiniers de la rue des Martyrs n'en parlent jamais.